Le réseau résiste aux cataclysmes, pas aux pirates Selon des scientifiques israéliens, il fonctionnerait encore après la perte de 99% de ses noeuds de connexion. Par DENIS DELBECQ Le vendredi 1er decembre 2000 |
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ils ont créé Arpanet, ancêtre de l'Internet, à
la fin des années 60, les militaires américains imaginaient
un réseau à l'épreuve des bombes. Plutôt que
de brancher les ordinateurs les uns derrière les autres en file indienne,
ou de les relier individuellement à un même ordinateur central,
ils ont choisi de mettre en place un maillage serré dans lequel chaque
machine joue un rôle similaire. Ainsi, quand un noeud d'interconnexion
ou une branche du réseau devient inopérant, les informations
peuvent emprunter des chemins détournés. Des travaux scientifiques
viennent de confirmer que ce choix était le bon.
Reuven Cohen et ses collègues du département de physique de l'université israélienne de Bilar Ilan annoncent que l'Internet fonctionnerait encore après la perte de 99 % de ses routeurs, les noeuds de connexion qui aiguillent les données (1). Le réseau serait donc à l'épreuve des pires cataclysmes. «Cela signifie que, si la majorité des noeuds est supprimée, la structure globale du réseau n'est pas affectée», explique Reuven Cohen. Alors que des réseaux maillés plus petits s'effondreraient avec la perte de seulement la moitié de leurs noeuds. Phénomènes aléatoires. Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs s'en sont remis aux modèles de percolation. Une discipline qui étudie aussi bien la diffusion de fluides dans les matériaux poreux, du café moulu par exemple, que l'extraction de pétrole dans les sous-sols ou la propagation des feux de forêt. La percolation donne des informations précises sur l'évolution de phénomènes a priori aléatoires. Elle permet par exemple de calculer la densité d'arbres au-delà de laquelle un incendie s'étend rapidement sur de grandes étendues de forêt. Cette fois, les chercheurs ont considéré les informations qui circulent dans l'Internet comme un liquide, et les «tuyaux» du réseau, branches et noeuds de connexion, comme des espaces libres qui permettent l'écoulement. Puis ils ont cherché avec leurs équations à déterminer la frontière entre un fonctionnement normal et une modification brutale du comportement du réseau. Un point de non-retour baptisé seuil de percolation. Tant que le réseau contient suffisamment de points de passage, il continue à fonctionner presque normalement. Puis, brutalement, à force de supprimer des noeuds de connexion, il s'effondre, incapable de propager les informations. Compte tenu d'une estimation de l'existence de quelque 10 millions de noeuds dans le réseau et de leur disposition aléatoire, le seuil calculé pour Internet est de 99 %. Autrement dit, il fonctionnerait encore correctement avec 100 000 noeuds. «Il resterait beaucoup d'îlots connectés», explique Reuven Cohen. De petits réseaux opérationnels, par exemple à l'échelle d'une entreprise ou d'une région, mais qui ne permettent plus d'échanger d'informations d'un point à l'autre de la planète. Le développement anarchique de l'Internet l'aurait donc pourvu d'une résistance exceptionnelle aux aléas. Mais il ne faut pas trop se réjouir car, si ce modèle semble solide, la vulnérabilité de l'Internet reste bien réelle. Attaque sélective. Les chercheurs ont supposé que les noeuds étaient détruits de manière aléatoire. Un type d'agression très sommaire. Des pirates avertis prendraient évidemment en compte des informations statistiques sur la structure du réseau. «Si on identifie les points névralgiques d'Internet à partir d'une carte de trafic, une attaque sera beaucoup plus efficace, reconnaît le chercheur. Il suffirait de détruire une petite quantité de noeuds pour provoquer un effondrement du système.» Une attaque centrée sur les points d'entrée des lignes de télécommunications transocéaniques ou sur les noeuds du réseau haut débit des grands opérateurs de l'Internet provoquerait des dégâts considérables. Pour Reuven Cohen, le seuil de percolation en cas d'attaque sélective serait «très inférieur à 5 %». Son équipe travaille à affiner le modèle pour le rendre plus réaliste. Elle ouvre au passage d'autres perspectives pour la protection du réseau. Comme à la diffusion d'une épidémie de grippe, les outils de la percolation se prêtent à l'étude de la propagation des virus informatiques. (1) Physical Review Letters du 20 novembre 2000. |
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1858, victoire sur l'Atlantique Ce premier câble ne fonctionna que quelques jours. Par FLORENT LATRIVE |
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président américain James Buchanan frise l'hystérie.
Ce premier câble transatlantique, reliant par télégraphe
le continent américain au Royaume-Uni, est «un triomphe,
plus glorieux qu'aucun conquérant n'en a jamais connu sur un champ
de bataille», dit-il à la reine Victoria, à l'autre
bout du tuyau, quelques jours après l'inauguration de la liaison,
en août 1858.
Jusque-là, les seules liaisons sous-marines traversaient la Manche ou quelques petits détroits. Mais le triomphe sera de courte durée: dès le 1er septembre, le câble ne laisse plus rien passer. Sans doute sectionné quelque part au milieu de l'Atlantique, sans qu'aucun navire câblier ne soit capable d'aller le repêcher pour le remettre en service. A tel point que la presse se demandera si cette improbable histoire de câble, posé en plusieurs mois sur 4 000 kilomètres entre les Etats-Unis et l'Irlande, n'était pas un gigantesque canular. Voire une magouille politique. Il faudra encore attendre huit ans et quelques câbles perdus pour que l'Atlantic Telegraph Company parvienne enfin à mettre en service une liaison fiable. Ce sera le lancement du maillage des mers du monde en câbles télégraphiques. Dans les années 1950, le téléphone accélère la mise en place de câbles dans toutes les mers. Depuis quelques années, c'est l'Internet qui multiplie les besoins. On ne saura jamais si Buchanan en aurait profité pour faire du cybersexe avec Victoria. |
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